H O R I Z O N
Association culturelle et artistique
TEXTES DES LAUREATS
DU GRAND PRIX DE POESIE 2012
DE LA VILLE D’AIX EN PROVENCE
Prix Roi René
Madame Marie-José BERTAUX , de Mons dans la Haute-Garonne, pour « Paroles de Gisante ».
« Vous qui lorgnez de haut nos corps roides et froids,
Nos mains dévotement jointes sur une croix,
Nos fronts muets étreints dans l’étau des couronnes
Et nos bliauts sculptés en longs plis monotones,
Sous les carcans de pierre, entendrez-vous les cœurs
Battre l’ardent rappel des fièvres, des fureurs ?
Savez-vous que je fus duchesse et deux fois reine ?
Que j’osai soulever ma rancoeur souveraine
Contre l’époux qui dort à présent prés de moi,
Pour voir périr aussi mon fils, tout juste roi,
Puis ma bru, vaine veuve aux entrailles stériles ?
Voyez-nous reposer côte à côte, tranquilles,
En paix dans le tombeau comme jamais vivants,
Quand notre orgueil jetait ses cris aux quatre vents !
Ne sommes-nous vraiment qu’un dur poids de carrare
Etendu sous la voûte où le songe s’égare ?
Ou notre âme parfois vient-elle obscurément
Verser à notre ennui son doux chuchotement,
Sous l’éternel regard qui de partout peut-être,
Du vitrail, de l’ogive ou des tréfonds de l’Être,
Voit comme une fragile et frivole entité
Ceux qui sont en ce monde et ceux qui l’ont quitté,
Nous, spectres cuirassés de roc incorruptible,
Et vous, passants d’un jour que le temps prend pour cibles ?
Votre pas qui s’éteint , qu’emporte-t-il ici ?
Un souvenir bientôt recouvert d’un souci,
Confuse image au bord d’une vague pensée,
Etincelle dans l’ombre à l’instant effacée…
Vous oublierez, nous dormirons encore un peu,
Sans émois, sans soupirs, sans tendresse et sans feux,
Puis nous disparaîtrons quand on verra la pierre,
Marbre même et granit, se résoudre en poussière. »
Prix Mirabeau
Monsieur Jean-Louis LACROIX, de Montmorot dans le Jura, pour « Le matin nous ressemble».
LE MATIN NOUS RESSEMBLE
Une épeire a tissé son piège de dentelle,
Parfums et cris d’oiseaux se mêlent dans le vent,
Dans le jour incertain, l’herbe sèche au levant,
Pour se désaltérer de perles se constelle.
C’est un matin ailé, tout en apesanteur,
Qui donne le frisson à l’âme douce-amère,
Enivré de Printemps, butinant l’éphémère,
On se sent tout à coup proche du Créateur,
Mais il existe aussi des aubes de galère :
Quand nos fronts sont fermés et nos visages lourds,
Les oiseaux fatigués de chanter pour les sourds,
Se taisent, effrayés, craignant notre colère,
Nous aimons tous les cieux quand nous sommes sereins,
Aurore grise ou bleue, à notre image en somme,
Mais le plus beau matin saurait-il combler l’homme,
Lorsque son âme est sombre et son cœur en chagrins ?
Prix Sextius
Madame Véronique FLABAT-PIOT, de Erquelinnes, en Belgique, pour «J’écris».
J’écris pour tous les gens, qu’ils soient pauvres ou riches…
J’écris pour le monarque ou l’homme sans abri …
Je chante la beauté d’un champ rebelle, en friches
Ou celle des hauts monts, refuge du cabri !
Tour à tour, je puis être une femme amoureuse
Ou la mère attentive, embrassant son enfant ! …
Je connais le soupir d’une aube douloureuse
Ou le parfait cristal d’un rire clair et franc ! …
J’accueille avec bonheur le bébé qui s’éveille
Alors que tous vos deuils m’accablent de chagrin !
Ce qui vous fait vibrer me touche, m’émerveille …
Le son qui chante en vous me fredonne un refrain !
Je me fonds au soleil, me glisse en la tempête …
J’ai le froid de la neige ou du frais aquilon …
Je suis le vent du soir, qui murmure et répète
Les secrets de la vie, au travers du vallon …
Je vois avec vos yeux le soleil qui se couche
Tirant la couverture azur de nos espoirs !
J’attends à vos côtés que la nuit blême accouche
De l’aurore flambante, éveillant les nichoirs !
Je veux, dans mes écrits, dire que mon cœur aime,
Pour parler à votre âme, en l’émouvant toujours !
Que glisse la tendresse aux creux de mon poème
Pour se faire l’écho de vos propres amours !
Prix Rotonde
Madame Véronique FLABAT-PIOT, de Erquelinnes, en Belgique, pour «J’aimerais que mes vers».
J’aimerais que mes vers soient lus au coin du feu,
Dans la douce clarté de la bûche fumante,
Qu’un quidam enflammé les murmure à l’amante,
Pianissimo du cœur, où perce un tendre aveu …
Je voudrais que l’enfant les récite à sa mère
Pour lui dire les mots qu’il ne possède pas ;
Ainsi, doux truchements, ils guideraient ses pas
Sur le chemin léger de l’enfance éphémère …
J’aimerais que, choisis pour livre de chevet,
Mes vers hantent vos nuits et les rendent plus belles !
Vous les répéteriez, en douces ritournelles,
Lovés dans la chaleur de votre chaud duvet …
J’aimerais que l’esprit le plus simple apprécie
Le message d’espoir habitant mes chansons,
Tandis que l’érudit, oubliant ses leçons,
Trouverait en leur lied une neuve éclaircie …
Je voudrais être là quand vous aurez trop froid
Pour offrir, à votre âme, un feu qui toujours brûle,
Tendresse partagée, ayant sous sa férule,
Le courage invincible, éliminant l’effroi !
Que la force et l’amour habitent chaque rime
De mes recueils, semés au vent de vos frissons …
Qu’ils soient harmonie, odeurs, couleurs et sons
Auxquels l’Esprit s’accroche et le bonheur s’arrime !
Prix Quatre Dauphins
Monsieur Dominique SIMONET, de Bocé, dans le Maine-et-Loire, pour « Symphonie de la mer ».
Chaque jour que Dieu fait, quand la mer se retire,
En laissant sur le sable un souvenir mouvant,
Et dépose l’écume en des cordes de lyre,
Mon esprit va danser sur les harpes du vent,
Telle une main d’aveugle, elle aborde la plage
Et découvre un clavier où tâtonnent ses doigts,
Pour caresser la terre ou laisser un message
Au berceau de l’espoir dans le son d’un hautbois.
Le soir, l’écho marin d’un accord de guitare,
Vers le regard troublant de la sublime nuit,
S’ajoute à la clarté du chant pur des cithares,
Et va guider mon âme à l’étoile qui luit.
Parfois, claque la vague en un bruit de cymbales,
Aussitôt, on entend la rumeur des tambours…
Et j’écoute mon cœur, dont le rythme s’emballe
Dans le sombre horizon cachant un nouveau jour.
Puis le petit matin vient éclairer la grève
Des notes de douceur, sanglots des violons.
L’océan voit le ciel quand le soleil se lève
Et vient unir sa voix au céleste orphéon.
Tous les ballets d’oiseaux, en superbe harmonie,
Accompagnent l’orchestre et mon rêve écrivain,
Pour composer ensemble amour et symphonie,
Que murmurent les flots en leurs élans divins.
PrixFontaine d’Argent
Monsieur Guy VIEILFAULT, de Croissy-Beaubourg, dans la Seine-et-Marne, pour «Au Blue-Note »
C’est une ombre accoudée au zinc, et solitaire,
Dans le tohu-bohu de ce capharnaüm,
Qui prolonge la nuit dans les encens du rhum
Et cherche l’en-allée au fin fond de son verre.
Il a le regard clair des marins hauturiers,
Brûlé par les soleils, l’éclat d’une banquise,
Mais son regard s’éteint quand l’aube se précise
Et le temps se consume au cœur d’un cendrier.
Les amers sont pour lui, en formes d’échancrures,
Les corsages béant sur d’obscures nymphées
Des ménades vantant leurs amours tarifés
De leurs lèvres carmin de femelles lémures ;
Les désirs suscités des mâles à l’affût
Accrochent des lueurs aux yeux des Aphrodite
Et leurs rires trop forts de femmes interdites
Surfent sur l’océan des murmures confus.
Le destin, pressent-il, a tagué ses ukases
Sur les murs enfumés d’avenirs incertains
Et, vaincu, tête basse, il écoute au matin
Les plaintes s’endeuillant des trompettes qui jazzent .
Poésie Libérée
Prix Sainte Victoire
Monsieur Daniel AUGENDRE, de Saint Raphaël dans le Var, pour « Le Rouquin ».
Comète fulgurante
A la queue flamboyante,
Striant, d’un éclair,
Le cosmos vert du bosquet…
Balle gambadante,
Sautillante, de bonds en bonds
Sur le ressort du tremplin du gazon ;
Ascensions en spirale
Du tronc lisse de l’arbre ;
Plongeons dans la frondaison,
Chutes acrobatiques, ludiques
Du rongeur équilibriste,
Artiste funambule qui déambule
Sur le fil des ramées, le profil des canopées…
Le braconnier de la futaie,
Le glaneur de glands,
Grappilleur de l’amandier,
Eventreur des pignes grignotées,
Le prince du larcin des grains,
Le collecteur des graines
Et des faines,
L’avare à la cachette
Des noix et des noisettes,
L’épargnant, le prévoyant,
Le gestionnaire avisé des mannes de l’été,
Gnome économe des fruits de l’automne,
Le ROUQUIN,
L’écureuil de mon jardin !
Prix de Luynes
Monsieur Daniel BIRNBAUM, de la Bouilladisse dans les Bouches-du-Rhône, pour « Sans toi ».
Sans toi
Je ne suis qu’une ombre
Parmi les autres ombres
Qui font la nuit.
Sans toi
Je ne suis qu’un pas
Suivant les autres pas
Qui font l’ennui .
Sans toi
Je ne suis qu’un rien
Parmi les autres riens
Qui font la lie.
Sans toi
Je ne suis qu’une plainte
Parmi les autres plaintes
Qui font le cri.
Sans toi
Je ne suis qu’une fin
Suivant les autres fins
Qui font l’oubli.
Prix Vauvenargues
Madame Monique CHRISTOFILIS, de Marseille dans les Bouches-du-Rhône, pour « Le rêve d’un arbre »
Je rêve d’être un arbre mais un arbre qui marche
Qui baguenaude et flâne, découvre son canton.
Je me vois papotant parmi d’autres essences
Saluant mes voisins mêlant feuilles et branchages.
Ce chêne au bout du champ, que me bruisserait-il ?
Mille secret volés aux nids de son feuillage
Mille tendres propos d’amoureux sous son ombre
Mille rondes d’enfants ponctuées de leurs rires .
Irai-je à ce pommier qui paraît m’appeler ?
Tous deux, nous frémirions au bruit de la fontaine
Noue remémorerions l’invasion des fourmis
Ou le pacte conclu avec les hannetons
Non-agression bien sûr, nous sommes pacifistes !
Un jour de grande forme, j’irais jusqu’à la mer
Je tremperai mes pieds, oh pardon mes racines !
Un poulpe malicieux viendrait me chatouiller
Et ma sève étonnée goûterait l’eau salée
Me demandant alors : « Quand rentrons-nous, dis-moi ? »
Nous rentrerions, je sais, je suis trop casanier.
J’aime mon petit clos, mon carré d’herbes douces
Mais en rentrant chez moi avec mon baluchon
Je fermerai les yeux, je rêverais encore
Et les revoyant tous, je grandirais un peu.
Prix « HORIZON » Jeunes Poètes de 16 à 18 ans
Mademoiselle Anouck FERRI, de Saint-Pierre de Rivière dans l’Ariège, pour « Le train ».
Le train.
J’aime la solitude du temps lorsque passe au travers un train
A la lumière de l’instant où voyageur devient poète
Joyau attendu de nuit noire, abandon aux regards éteints
Et va ! Tant que démarre la longue fête.
J’aime ce serpent perçant l’espace qui swingue un bruit de tonnerre
Avec le vent qui accompagne le début d’un ailleurs, encore
Cabine d’un lendemain sans fin qui donne tout sans rien promettre
Et va ! Dans le lointain perce l’aurore.
J’aime l’odeur du fond des coins lorsqu’il commence à se faire tard
Les essence montent à la tête des endormis des imprudents
Amours clandestines et discrètes effluves rares de bout de gare
Et va ! Passe le train, danse le temps.
J’aime partir en me disant que je n’reviendrai que peut-être
Spectateur d’un lendemain qui promet l’entrée du tunnel
Plaines rapides et suggérées du cinéma par la fenêtre
Et va ! Sans toucher terre, sans toucher ciel.
A la lueur d’une lampe de poche j’aime le paradoxe de la vie
Les étoiles de la ville que j’aperçois à tout hasard
Le nez collé contre la vitre je vois la lune qui me dit
Et va ! tu n’es chez toi nulle part .
Prix « Henri-Bernard ABRAN » Jeunes Poètes de 13 à 15 ans
Mademoiselle Séverine MARIN, de Villevieille dans le Gard, pour « La Nuit ».
La nuit
Dans la semi-obscurité j’attends
Et je retranscris ici
Ce que je vois
Ce que j’entends
Ce que je pense .
Mes yeux scrutent le ciel infini, sombre
Parfumé de nuages gris qui décorent la Lune
Mais le reste n’est que le vide de la nuit éclatante.
Les chouettes chantent et
Leur merveilleuse musique
Me rend nostalgique d’autrefois
De ces temps d’avant.
Mon esprit divague vers le flot des souvenirs
Qui m’assaillent en présence de
La Lune
Les Nuages
Les Chouettes.
Mémoire éternelle de la terre,
Les mots qui arrivent eux aussi
Reviennent en flaschs dans mon esprit
Et s’incrustent à jamais
Au creux de la nuit.